Coup d’envoi du scrutin vendredi : les salariés de la SNCF auront sept jours pour élire les membres des tout nouveaux comités sociaux et économiques (CSE) du groupe public ferroviaire, des élections cruciales dans une entreprise en mutation.
Premiers CSE, premier vote électronique : les 150.000 électeurs pourront choisir leurs représentants jusqu’au 22 novembre, 17H00, a précisé la direction.
Au total, 33 CSE remplaceront les 31 comités d’entreprise du groupe, ses 300 délégués du personnel et ses 600 comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Comme prévu par la réforme du droit du travail.
Cinq mois après l’adoption de la loi de réforme ferroviaire, qu’une longue grève unitaire de 36 jours sur trois mois n’avait pas réussi à bloquer au printemps, ces élections professionnelles vont-elles modifier le classement des syndicats - inchangé depuis 2009 - et le poids de leur signature dans les négociations d’accords avec la direction ?
Si elles ont mené une campagne électorale classique, mettant en avant leurs positions ou critiquant celles de leurs adversaires, les quatre organisations principales ont reformé la semaine dernière leur front unitaire face à la direction, ulcérées par son offre sur le nombre des nouveaux représentants de proximité : un pour 200 salariés.
Pas assez pour être efficace, jugent ces syndicats. Et beaucoup moins que chez des concurrents privés (comme la filiale française de la Deutsche Bahn, ECR : un pour 30 salariés), soulignent-ils.
"La direction diminue les moyens de prévention", a dénoncé auprès de l’AFP Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, 1er syndicat du groupe. "Le message est clair : il n’y a plus de dialogue social à la SNCF !" a-t-il fustigé.
Dans ce "contexte de réorganisation importante", c’est "un affront envers les syndicats et un manque de respect envers le personnel", a estimé Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa-ferroviaire, 2e syndicat.
Des tensions qui ne bloquent pas le processus électoral, mais alimentent un climat d’incertitudes, voire d’inquiétudes pour les cheminots face aux évolutions.
- "Fatalisme ou colère" -
Car le groupe sera "largement transformé", et vite, promettait en octobre son patron, Guillaume Pepy.
Au programme : des innovations industrielles, la fermeture de guichets dans les gares, des agents polyvalents... Un tiers des postes "vont voir leur contenu changer radicalement", assurait M. Pepy.
L’objectif est d’être "prêt" pour l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire intérieur de voyageurs, qui débutera en décembre 2019.
Puis, le 1er janvier 2020, les embauches au statut de cheminot s’arrêteront, la SNCF deviendra une société anonyme. Avec la concurrence, des cheminots devront quitter la SNCF quand elle perdra des marchés au profit d’autres opérateurs.
D’ici à 2020 devront être négociés avec les syndicats un nouveau "pacte social" pour tous les salariés de la SNCF (sous statut et sous contrat), ainsi qu’une convention collective nationale pour la branche ferroviaire.
"Il y a une vraie interrogation des cheminots sur leur avenir et sur celui de leurs activités respectives. Du fatalisme ou de la colère. Ils ont perdu leurs repères et veulent savoir ce qu’ils vont devenir", a expliqué Erik Meyer, porte-parole de SUD-Rail, 3e syndicat.
"On n’anticipait pas il y un an une transformation aussi radicale de l’entreprise", c’est une période "assez anxiogène" avec "une rupture de confiance entre la direction de l’entreprise et son corps social", disait la semaine dernière devant des militants Sébastien Mariani, secrétaire général adjoint de la CFDT-Cheminots, 4e syndicat.
Vers quel bulletin de vote ce contexte tendu conduira-t-il les électeurs ?
Lors du scrutin de 2015, les syndicats contestataires, CGT et SUD, avaient comptabilisé à eux deux 51,16% des voix. Face aux 39,01% du camp des réformistes, Unsa et CFDT, qui ont accepté au printemps de négocier des amendements à la réforme ferroviaire.
En dehors de ce quatuor représentatif, la contestataire FO, 5e organisation (9,15% en 2015), fait listes communes avec le petit syndicat de cheminots First.