Dans un « Temps Réel » du 9 mai, SNCF a communiqué sur la « bonne dynamique des activités de SNCF-Mobilités au 1er trimestre 2019 ».
Pour les cheminots, en revanche, la dynamique est celle de la souffrance au travail et de son expression la plus dramatique des suicides.
SUD-Rail vient d’apprendre en effet le suicide d’un nouvel agent SNCF, chez lui, probablement durant le week-end du 27/28 avril (le corps n’a semble-t-il été retrouvé par les pompiers que le 9 mai).
Des informations que nous avons pu recueillir, il s’appelait Nicolas Ponomareff, avait la cinquantaine passée. Son dernier poste avait été à la fonction Achats, mais suite à réorganisations, il a été versé dans une des structures appelées Espace Initiative Mobilité (EIM), qui sont des Pôle Emploi internes où les 3 SNCF relèguent ceux dont elles ne veulent plus, et que l’on culpabilise et infantilise pour les rendre responsables de leur prétendue « inemployabilité », et les faire craquer d’une manière ou d’une autre (démissions, départs volontaires, ruptures conventionnelles, procédures disciplinaires construites de toutes pièces, …ou suicides). Dans le même temps, tous les services des 3 SNCF sont maintenus en sous-effectifs pour obliger leurs responsables à faire appel à l’externalisation….
Il existerait aujourd’hui entre 4.000 et 5.000 agents « accompagnés » par les EIM, et leur état de santé psychique est alarmant (isolement, consommation d’antidépresseurs, « pétages de plombs », etc.), car ils sont aux premières lignes des charrettes annoncées par la mise en oeuvre du Pacte ferroviaire (le rapport de Jean-Cyril Spinetta de février 2018 indiquait clairement qu’il faudrait couper dans les effectifs et visait expressément 5.000 agents dans les EIM comme mesure d’une première coupe immédiate). Au demeurant, l’état sanitaire des « conseillers mobilité » censés accompagner les agents, n’est pas meilleur. Ceux qui n’adhèrent pas au cynisme des dirigeants et qui cherchent sincèrement à aider leurs collègues en mauvaise passe, ne supportent plus ce qu’on leur fait faire et craquent eux-aussi.
Les mêmes mécanismes et des appellations similaires sont à l’oeuvre dans toutes les entreprises publiques où il faut casser le collectif des salariés fondé sur la maîtrise technique et le sens partagé du service public. A France Télécom / Orange, ces structures s’appelaient Espaces Développement. A la SNCF elles s‘appelaient Espaces Mobilité Emploi (EME) pour les collèges Exécution et Maîtrise, et Espaces Développement des Cadres (EDC) pour le collège Cadres. Fusionnées en 2015, ils sont devenus Espaces Initiatives Mobilités (EIM) pour les trois collèges confondus.
Alors que depuis une semaine, les audiences du procès France Télécom / Orange / Didier Lombard, consistent à décortiquer ces mécanismes qualifiés de harcèlement moral organisationnel, par le chef d’accusation, les dirigeants SNCF redoublent d’énergie dans ce chemin morbide, avec l’arrogance et la morgue dont ils sont coutumiers.
C’est la même situation que vit tout le monde du travail, avec une hargne particulière contre les structures publiques : hôpitaux, Poste, inspections du Travail, Pôle Emploi, magistrature, etc. Et la Police aussi (comme quoi protéger un Pouvoir immoral ne protège pas contre la souffrance…).
Le discours légitimant du MEDEF et de leurs fondés de pouvoir dans les Gouvernements successifs, qui repose sur les vertus non négociables et non discutables de la concurrence entre tous, de la « guerre économique », du sacrifice total pour les « premiers de cordée », est une insulte à la vie. Mort des personnes (des migrants qui jonchent le fond des mers, aux cancers qui se développent avec les processus techniques déployées au nom du profit, et aux suicides au travail, c’est une origine commune). Mort des écosystèmes. Mort des conditions physico-chimico-biologiques de la vie sur Terre.
Il est urgent que le mouvement social, dans toutes ses composantes, exerce une pression décisive pour que le « vivre ensemble » en société, soit enfin fondé sur un travail émancipateur, une justice sociale fondée sur l’égalité et des pratiques de démocratie réelle.