Thierry a perdu la vie à cause du travail !
Il y a un mois notre collègue et militant Thierry, alors qu’il préparait une desserte Fret, a été percuté par un TER entre St Jean de Mne et St Michel Valloire. Ce 12 janvier 2021, il était en train d’effectuer une opération de maintenance sur une installation de sécurité ; il déneigeait les aiguilles et mettait en route le système de réchauffeur sur voie principale afin que « le client soit livré ».
Plusieurs enquêtes sont en cours dont celle conjointe entre les représentant-es du personnel et la direction. Via ce tract, notre organisation syndicale a décidé de « mettre les points sur les I » afin d’éviter qu’il ne se raconte tout et n’importe quoi sur les chantiers. Nous sommes conscient·es que de nombreux managers voudraient faire croire à une faute individuelle ; nous ne laisserons personne mentir sur les raisons de la disparition brutale de notre collègue
Des directions SNCF irresponsables !
Quand la sécurité ferroviaire et celle des travailleurs/ses sont en jeu, l’employeur a la responsabilité de mettre en œuvre une organisation du travail rigoureuse et sans faille. L’analyse des référentiels/consignes des différentes directions concernées (SNCF Réseau, Fret SNCF) démontre une désorganisation inadmissible.
En effet, les opérations de déneigement/allumage des réchauffeurs d’aiguille sur voies principales sont des opérations de maintenance du réseau ferré national de la responsabilité du gestionnaire de l’infrastructure, SNCF Réseau. Normalement, cette opération est effectuée par les agents de l’Équipement. C’est le cas sur l’ensemble des embranchements Fret de la région Alpes sauf ... sur le site de St Julien Montricher où Thierry a perdu la vie.
La direction de SNCF Réseau a totalement abandonné sa responsabilité de maintenance du réseau pour l’embranchement de St Julien. La raison de cet abandon est connue ; il s’agit des nombreuses suppressions d’emplois subies par les équipes d’entretien de la voie. C’est une posture d’autant plus critiquable que la direction de SNCF Réseau sait fort bien que l’embranchement de St Julien Montricher est toujours desservi par Fret SNCF, y compris en hiver.
Mais que dire également de la direction de Fret SNCF qui a laissé SNCF Réseau abandonner les opérations de déneigement/allumage des réchauffeurs d’aiguilles de l’embranchement de St Julien Montricher ; opérations qui font pourtant partie des obligations de SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure à qui Fret SNCF paie des redevances pour circuler sur le réseau ferré national, redevances censées rémunérer la maintenance du réseau... ?
Du point de vue de la maintenance du réseau, la situation de l’embranchement de St Julien Montricher était donc exceptionnelle. Selon les informations connues à ce jour, cette situation exceptionnelle du point de vue de la sécurité ferroviaire n’a fait l’objet d’aucune contractualisation entre les directions de SNCF Réseau et de Fret SNCF permettant de clarifier qui fait quoi…
La neige est un incident prévu dans les Alpes ... normalement.
Ce 12 janvier, les conditions météorologiques étaient dignes d’un mois de Janvier dans les Alpes du Nord ; il neigeait d’une manière abondante et le risque de givrage/verglas était fort. Au sein de la SNCF, l’un des moments importants, pour anticiper les risques liés à ces éléments externes, est « la journée Grand Froid ».
La réalisation de cette journée est cadrée par des référentiels et doit réunir l’ensemble des intervenant·es en appliquant les mesures prévues par une température inférieure à - 8°C. Cet exercice à blanc doit permettre, entre autres, de réaliser des vérifications sur les réchauffeurs d’aiguilles, la présence/réactualisation des « consignes neige » et leur connaissance par les agents, un état des lieux du matériel, des stocks, ... Pour cette année, nous n’avons aucune trace remontée du terrain sur la réalisation de cette journée ... par contre, il y avait une fuite de gaz au réchauffeur de St Julien Montdenis.
Le même jour, le 12 janvier, une élue CSE rédigeait un rapport préventif auprès de la direction TER AURA afin d’alerter sur des situations pouvant mettre l’intégrité physique des salariés en danger sur Bellegarde.
Le 13 janvier à 4h45 en gare de Modane, l’assistante DPX constate une situation dangereuse dans le cadre d’une opération de déneigement par une entreprise sous-traitante.
Le 25 janvier, sur le faisceau de St Jean de Maurienne, une fuite de gaz provoque un incendie (qui ne fera pas de blessé·es) mais dégradera fortement les installations de sécurité.
Chacun·e jugera ...
Le poste d’agent de desserte St Julien avait été supprimé le 4 janvier 2021.
En novembre 2020, lors de l’instance locale où un dossier de restructuration sur St Jean de Maurienne était présenté, les délégués SUD-Rail prévenaient la direction de l’entreprise que cette nouvelle réorganisation allait générer de la souffrance au travail et casser l’outil de travail. En réponse à notre revendication de geler cette suppression de poste, en séance, le représentant de la direction citait JP Farandou qui avait dit de continuer à faire certaines réorganisations malgré la crise.
Prétextant une baisse de trafic – qui n’est pas réelle – et voulant faire toujours plus de gains de productivité, la direction SNCF a décidé de supprimer le poste fixe d’agent de desserte St Julien Montdenis le 4 janvier 2021. Cette suppression a eu lieu alors que le marché existait toujours entre le client et la SAS Fret. Cette décision patronale a généré des contraintes organisationnelles qui ont contribué inévitablement à la survenue de cet accident mortel. A vouloir toujours faire du plus avec du moins .…
La polyvalence imposée par les patrons tue !
« Je croyais que c’était un cheminot de mon établissement » voilà l’affirmation du Directeur de l’Infrapôle Alpes lors d’une réunion commission santé sécurité extraordinaire le 22 janvier. Ces
propos parlent d’eux-mêmes ; en effet, l’entreprise avait
demandé à Thierry d’exercer une mission qui n’était pas « le cœur de son métier » pour reprendre les termes des dirigeant·es.
Nos collègues de l’Équipement sont formé·es pour connaître et maîtriser les risques dans le cadre d’une intervention de maintenance sur voie principale. Sauf que les effectifs ont tellement diminué, que les agents de l’Équipement sur le terrain n’ont plus les moyens d’assurer l’ensemble de leurs missions. Voilà pourquoi Thierry s’est trouvé ce 12 janvier à déneiger des aiguilles pour « livrer le client » dans un contexte de chantage au maintien des emplois.
Les éléments affirmés dans ce tract sont des faits retrouvés à la lecture de consignes, de remontées du terrain et de nos premières analyses syndicales.
Une enquête de la commission locale CSSCT Fret est en cours et rédigera ses conclusions à l’issue d’un travail d’investigation qui s’annonce long et soutenu.
Comme nous l’avons déjà dit dans le préambule, l’objectif de cette expression est d’éviter qu’il ne se raconte tout et n’importe quoi à la suite du décès de notre collègue et militant.
Dans ce dossier mortel, nous allons empêcher que cela soit le lampiste qui paie et nous battre pour que la mémoire de Thierry ne soit pas salie. Sur la région Alpes, notre action syndicale sera encore plus forte afin que cela ne se reproduise plus.
Dans tous les établissements, nous vous invitons à échanger, reprendre confiance en nous et nous préparer à améliorer nos conditions de travail ... et préserver nos vies.