Pour remettre la SNCF sur les rails, le gouvernement a choisi peu ou prou de dupliquer la méthode qui lui avait réussi pour réformer le code du travail. Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé, lundi 26 février, qu’il allait à nouveau avoir recours aux ordonnances tout en laissant une (petite) place à la concertation. « A la mi-mars nous déposerons un projet de loi d’habilitation au Parlement », a déclaré le premier ministre. Toutefois, la volonté du gouvernement ne serait pas d’arriver devant les députés avec un projet complètement bouclé.
Si les lignes fortes de la réforme ne sont pas négociables, fait-on savoir à Matignon, la rédaction des ordonnances pourra être amendée après une concertation avec les partenaires sociaux. Une intervention à la marge.
En effet, comme le craignaient les syndicats, le chef du gouvernement a choisi de reprendre à son compte l’essentiel des préconisations contenues dans le rapport sur l’avenir du transport ferroviaire rédigé par l’ancien PDG d’Air France-KLM, Jean-Cyril Spinetta, et remis le 15 février. Un « diagnostic (…) sévère mais (…) malheureusement juste ».
In fine, Edouard Philippe est donc prêt à aller au bras de fer avec les cheminots. Mais il veut aller vite pour limiter au maximum les risques de déclencher un conflit social de grande ampleur. Le gouvernement est déterminé « à faire voter les principes clés avant l’été » de la réforme de la SNCF. Sans attendre, les quatre syndicats représentatifs (CGT, SUD, UNSA et la CFDT), ont voulu, vendredi 23 février, « mettre en garde » le gouvernement contre l’emploi de ce « subterfuge législatif ». Et de menacer : « En cas de recours à l’ordonnance, le gouvernement portera l’entière responsabilité d’un conflit majeur. ».
Société nationale à capitaux publics
En pratique, le premier ministre veut proposer « un nouveau pacte ferroviaire entre la nation, la SNCF et les cheminots ». Dans son discours de la méthode, il indique que c’est l’Etat qui fixera « le cadre » pour permettre le « développement du transport ferroviaire ». En revanche, il laisse une certaine latitude à la direction de la SNCF et aux syndicats pour engager « une profonde réforme sociale, industrielle et managériale », afin d’adapter l’entreprise à la future concurrence à laquelle elle sera confrontée. M. Philippe veut ainsi revenir sur l’éclatement de la SNCF en trois établissements publics. « Une organisation (…) trop rigide et trop fragmentée », selon lui. A la place, comme le recommande le rapport Spinetta, il veut transformer la SNCF « en société nationale à capitaux publics ».
A l’en croire, « cette transformation de la gouvernance sera vertueuse. Elle permettra de sortir du piège d’une dette sans limite et responsabilisera les dirigeants de l’entreprise, l’Etat et les collectivités ». Comme il l’avait laissé entendre, le gouvernement a choisi de s’attaquer de front au statut des cheminots. « Il n’y aura plus de recrutement au statut » pour les futurs salariés, a déclaré le premier ministre. En revanche, cela ne change rien pour les 160 000 des 190 000 salariés du groupe qui bénéficient déjà de ce statut.
Projet stratégique « avant l’été »
Sans doute pour limiter la contestation, le gouvernement a choisi d’adopter un calendrier très resserré. La direction de la SNCF devra présenter « avant l’été » au gouvernement un nouveau « projet stratégique ». Il devra être élaboré au terme d’une « large concertation avec l’ensemble du corps social de la SNCF ». Edouard Philippe a mis la pression sur la direction de l’entreprise publique. Elle devra « dès le 15 mars » présenter « à la ministre des transports Elisabeth Borne une feuille de route définissant les modalités et le calendrier de cette concertation ».
Intransigeant sur les principaux axes de sa réforme, ferme sur le calendrier, Edouard Philippe a toutefois, semble-t-il, choisi de ne pas se mettre à dos l’opinion publique et les collectivités locales. La fermeture des petites lignes a été écartée du projet. « Je ne suivrai pas le rapport Spinetta sur ce point. On ne décide pas la fermeture de 9 000 km de lignes depuis Paris », a assuré le premier ministre. De même, le gouvernement a renvoyé à plus tard la réforme des retraites des cheminots. Elle sera intégrée au sein de la réflexion globale sur les retraites de tous les Français. Une mission confiée à Jean-Paul Delevoye, nommé en septembre 2017 haut commissaire à la réforme des retraites.
Enfin, le chef du gouvernement a aussi prévenu que l’Etat n’assumera pas seul le traitement de la dette ferroviaire, passée en vingt ans de 20 milliards d’euros à 50 milliards d’euros. « Les efforts devront être partagés », a indiqué M. Philippe. « Dès lors que la SNCF y aura contribué, l’Etat prendra sa part de responsabilités avant la fin du quinquennat pour assurer la viabilité économique du système ferroviaire », a assuré le premier ministre.